Tuesday, February 9, 2010

Djemila Benhabib speaks out eloquently and strongly

Algerian-born Djemila Benhabib is the author of Ma vie à contre-coran. She is vehemently opposed to the wearing of the veil by Moslem women and has been an outspoken advocate for women's rights in Quebec, where she currently lives, as well as in the international arena. The issue has been/is a heated one in Canada and France.

Some argue against Bebhabib's reasoning; they insist that lifting the veil will not liberate women. Are the veil and the burka symbols of religion or are they symbols of subserviance? Therein lies the ultimate question. 

France, home to over 5 million Moslems, and its government officials have long been divided on the subject. On January 26, the French parliament recommended a partial ban on women wearing Islamic face veils in France: in public buildings such as hospitals, schools, government offices and in vehicles of public transport. It also recommended that anyone showing visible signs of "radical religious practice" should be refused state benefits and citizenship. Requiring women to cover their faces, they say, runs counter to the values of the French republic's principles of secularism and equality. Opposition against a ban claims such a step will stigmatise Muslim women.

I agree with Benhabib; I oppose the veil, for all the reasons she so eloquently sites in her November 2009 address. 

Benhabib was invited to speak in Paris, France at an event organized by Femmes Solidaires -- web site: http://www.femmes-solidaires.org/ -- and the Ligue du Droit International des Femmes -- web site: http://www.ldif.asso.fr/

Benhabib's web site is found at http://www.djemilabenhabib.com/

Her November 2009 address appears below in full, first in the original French, followed by my English translation, also available at http://www.yourfrenchlife.net/

MISSION PARLEMENTAIRE SUR LE VOILE INTEGRAL
read at the Palais du Luxembourg in Paris, on 13 November 2009 

by Djemila Benhabib

Mesdames les sénatrices, Mesdames les présidentes, Mesdames et messieurs les dignitaires,

Chers amis, 
Merci mille fois de ce grand honneur que vous me faites, aujourd'hui, de me consacrer parmi les Femmes debout et de permettre à ma voix, celle d'une femme de culture musulmane féministe et laïque de résonner dans cette prestigieuse institution de la République.

Merci à vous, mes amies de Femmes solidaires et de la Ligue du droit international des femmes pour votre travail acharné, permanent et indispensable que ce soit dans les quartiers, auprès des femmes victimes de violences et discriminations, des sans papiers ou encore au sein des politiques et des instances onusiennes. C'est dire que c'est ici, localement que prend racine le travail pour les droits des femmes pour se répercuter à l'échelle internationale. C'est dire aussi que la Marche des femmes pour la liberté et l'égalité est une et indivisible. Lorsqu'une femme souffre dans un quelconque endroit de la planète, c'est notre affaire à toutes et à tous. Merci de nous faire sentir de mille façons que nous sommes les maillons d'une même chaîne.

Voilà encore quelques années, je n'aurais jamais imaginé que ma vie de femme, que ma vie de militante serait si intimement liée au féminisme et à la laïcité.

Je vous surprendrai peut-être en vous avouant que je ne suis pas devenue féministe en tournant les pages du Deuxième Sexe, ni en me plongeant dans ce magnifique roman d'Aragon Les Cloches de Bâle, où il était question entre autres de Clara Zetkin et de Rosa Luxembourg, deux figures de proue du féminisme et de la paix dans le monde.

Je ne suis pas devenue laïque en m'abreuvant de Spinoza, de Ibn Al-Arabi, de Descartes, de Ibn Khaldoun, ou de Voltaire, mon maître. Absolument pas.

J'aurais pu tourner mon regard ailleurs pour me perdre dans cette enfance si heureuse que j'ai eue dans une famille généreuse, cultivée, ouverte sur le monde et sur les autres, profondément engagée pour la démocratie et la justice sociale.

J'aurais pu m'égarer dans la beauté de cette ville qu'est Oran où il faisait si bon vivre au bord de la mer. Cette ville qui a propulsé la carrière littéraire d'Albert Camus, avec son célèbre roman La peste, jusqu'au Nobel de littérature. J'aurais pu ne rien voir, ne rien entendre des brimades, du mépris, des humiliations et des violences qu'on déversait sur les femmes.

J'ai choisi de voir et d'écouter d'abord avec mes yeux et mes oreilles d'enfant. Plus tard, j'ai choisi de dire les aspirations de toutes ces femmes qui ont marqué ma vie pour que plus jamais, plus aucune femme dans le monde, n'ait honte d'être femme. Pour vous dire vrai, à l'enfance et surtout à l'adolescence, je n'ai jamais rêvé de mariage, de prince charmant, de robe longue, de grande maison, d'enfants et de famille. Les quelques mariages auxquels j'avais assisté, en Algérie, me faisaient sentir que la femme était un objet bien plus qu'un sujet. Inutile de vous préciser que ma perspective était ultra-minoritaire, car les femmes sont formatées à devenir des épouses puis des mères dès l'enfance. Je devais avoir, quoi, cinq, six, peut-être sept ans tout au plus, lorsqu'on me somma de rejoindre ma grand-mère dans la cuisine, car ma place naturelle était à mi-distance entre les fourneaux et la buanderie, de façon à pouvoir faire éclater mes talents de cuisinière et de ménagère le moment venu.

En 1984, l 'Algérie adopte un code de la famille inspiré de la charia islamique. J'ai 12 ans à cette époque.

Brièvement, ce code exige de l'épouse d'obéir à son mari et à ses beaux-parents, permet la répudiation, la polygamie, destitue la femme de son autorité parentale, permet à l'époux de corriger sa femme et en matière d'héritage comme de témoignage, l'inégalité est érigée en système puisque la voix de deux femmes équivaut à celle d'un homme tout comme les parts d'héritage.

Question : L'Algérie est-elle devenue musulmane en 1984 ?

Réponse : Je vous la donnerai pendant le débat tout à l'heure si vous
le souhaitez.

Pour ce qui est de la laïcité, j'ai compris sa nécessité lorsque, au tout début des années 1990, le Front islamique du salut (FIS) a mis à genoux mon pays l'Algérie par le feu et par le sang en assassinant des milliers d'Algériens. Aujourd'hui, on est forcé de constater que les choses n'ont pas tellement changé.

Trop de femmes dans le monde se font encore humilier, battre, violenter, répudier, assassiner, brûler, fouetter et lapider.

Au nom de quoi ?

De la religion, de l'islam en l'occurrence et de son instrumentalisation. Pour refuser un mariage arrangé, le port du voile islamique ou encore pour avoir demandé le divorce, porté un pantalon, conduit une voiture et même avoir franchi le seuil de la porte sans la
permission du mâle, des femmes, tant de femmes subissent la barbarie dans leur chair. Je pense en particulier à nos sœurs iraniennes qui ont défilé dans les rues de Téhéran pour faire trembler l'un des pires dictateurs au monde : Ahmadinejad.

Je pense à *Neda*, cette jeune Iranienne assassinée à l'âge de 26 ans. Nous avons tous vu cette image de Neda gisant sur le sol, le sang dégoulinant de sa bouche.

Je pense à *Nojoud Ali*, cette petite Yéménite de 10 ans, qui a été mariée de force à un homme qui a trois fois son âge et qui s'est battue pour obtenir le droit de divorcer, et qui l'a obtenu.

Je pense à*Loubna Al-Hussein* qui a fait trembler le gouvernement de Khartoum l'été dernier à cause de sa tenue vestimentaire.

La pire condition féminine dans le globe, c'est celle que vivent les femmes dans les pays musulmans. C'est un fait et nous devons le reconnaître. C'est cela notre première solidarité à l'égard de toutes celles qui défient les pires régimes tyranniques au monde. Qui oserait dire le contraire ? Qui oserait prétendre l'inverse ? Les islamistes et leurs complices ? Certainement. Mais pas seulement !

*Il y a aussi ce courant de pensée relativiste qui prétend qu'au nom des cultures et des traditions nous devons accepter la régression, qui confine l'autre dans un statut de victime perpétuelle et nous culpabilise pour nos choix de société en nous traitant de racistes et d'islamophobes lorsque nous défendons l'égalité des sexes et la laïcité. C'est cette même gauche qui ouvre les bras à Tarik Ramadan pour se pavaner de ville en ville, de plateau de TV en plateau de TV et cracher sur les valeurs de la République.*

Sachez qu'il n'y a rien dans ma culture qui me prédestine à être éclipsée sous un linceul, emblème ostentatoire de différence. Rien qui me prédétermine à accepter le triomphe de l'idiot, du sot et du lâche, surtout si on érige le médiocre en juge. Rien qui prépare mon sexe à être charcuté sans que ma chair en suffoque. Rien qui me prédestine à apprivoiser le fouet ou l'aiguillon. Rien qui me voue à répudier la beauté et le plaisir. Rien qui me prédispose à recevoir la froideur de la lame rouillée sur ma gorge. Et si c'était le cas, je renierais sans remords ni regret le ventre de ma mère, la caresse de mon père et le
soleil qui m'a vu grandir.

L'islamisme politique n'est pas l'expression d'une spécificité culturelle, comme on prétend ça et là. C'est une affaire politique, une menace collective qui s'attaque au fondement même de la démocratie en faisant la promotion d'une idéologie violente, sexiste, misogyne, raciste et homophobe.

Nous avons vu de quelle façon les mouvements islamistes, avec la complicité, la lâcheté et le soutien de certains courants de gauche cautionnent la régression profonde qui s'est installée au cœur même de nos villes.

Au Canada, nous avons tout de même failli avoir les tribunaux islamiques.

En Grande-Bretagne c'est déjà la norme dans plusieurs communautés. D'un bout à l'autre de la planète, le port du voile islamique se répand et se banalise, il devient même une alternative acceptable aux yeux de certains car c'est tout de même mieux que la burqa!

Que dire de la démission des démocraties occidentales sur des enjeux primordiaux à la base du vivre-ensemble et de la citoyenneté tels que la défense de l'école publique, des services publics et de la neutralité de l'État ?

Que dire des reculs en matière d'accessibilité à l'avortement ici même en France ?

Tout ça pour dire qu'il est toujours possible de faire avancer les sociétés grâce à notre courage, notre détermination et à notre audace. Je ne vous dis pas que ce sont là des choix faciles. Loin de là. Les chemins de la liberté sont toujours des chemins escarpés. Ce sont les seuls chemins de l'émancipation humaine, je n'en connais pas d'autres.

Cette merveilleuse page d'histoire, de NOTRE histoire, nous enseigne que subir n'est pas se soumettre. Car par-delà les injustices et les humiliations, il y a aussi les résistances. Résister, c'est se donner le droit de choisir sa destinée. C'est cela pour moi le féminisme. Une destinée non pas individuelle, mais collective pour la dignité de TOUTES les femmes. C'est ainsi que j'ai donné un sens à ma vie en liant mon destin de femme à tous ceux qui rêvent d'égalité et de laïcité comme fondement même de la démocratie.

L'histoire regorge d'exemples de religions qui débordent de la sphère privée pour envahir la sphère publique et devenir la loi. Dans ce contexte, les femmes sont les premières perdantes. Pas seulement. La vie, dans ses multiples dimensions, devient soudainement sclérosée lorsque la loi de Dieu se mêle à la loi des hommes pour organiser les moindres faits et gestes de tous. Il n'y plus de place pour les avancées scientifiques, la littérature, le théâtre, la musique, la danse, la peinture, le cinéma, bref la vie tout simplement. Seuls la régression et les interdits se multiplient. C'est d'ailleurs pour ça que j'ai une aversion profonde à l'égard des intégrismes quels qu'ils soient, car je suis une amoureuse de la vie.

Rappelez-vous une chose : lorsque la religion régit la vie de la cité, nous ne sommes plus dans l'espace du possible, nous ne sommes plus dans le référentiel des doutes, nous ne sommes plus dans le repère de la Raison et de la rationalité si chères aux Lumières. Séparer l'espace public de l'espace privé en réaffirmant la neutralité de l'État me semble indispensable, car seule la laïcité permet de se doter d'un espace commun, appelons-le un référentiel citoyen, loin de toutes croyances et de toutes les incroyances, pour prendre en main la destinée de la cité. Avant de conclure, permettez-moi de partager avec vous une lettre destinée à un de vos élus.

J'ai longuement hésité avant de vous écrire. Peut-être, par peur d'être perçue comme celle venue d'ailleurs qui fait indélicatement irruption dans les « affaires françaises ». Au diable les convenances, je n'ai jamais été douée pour la bienséance surtout lorsqu'elle est au service des plus forts, des plus puissants et des plus arrogants. Puis, s'il avait fallu que je vive en fonction du regard des autres, je n'aurais rien fait de ma vie ou si peu. Lorsqu'il s'agit des droits des femmes, nulle convenance ne doit primer sur l'essentiel.

L'essentiel étant : la liberté, l'égalité et l'émancipation des femmes. J'entends encore des copines françaises me dirent avec insistance : parle-lui, dis-lui, écris-lui. Étrangement, leurs propos me rappellent le titre de ce magnifique film d'Almodovar : Parle avec elle, où dès les premiers instants, le rideau se lève furtivement, pendant quelques secondes, sur un spectacle de danse, mettant en scène le corps d'une femme, celui de Pina Bausch. Elle qui exprimait si bien dans ses chorégraphies crûment la violence exercée à l'encontre des femmes.

Monsieur Gérin, c'est à vous que je m'adresse, je voudrais vous parler, vous dire la peur que j'ai connue le 25 mars 1994 alors que j'habitais à Oran, en Algérie et que le Groupe islamique armé (GIA) avait ordonné aux femmes de mon pays le port du voile islamique. Ce jour-là, j'ai marché la tête nue ainsi que des millions d'autres Algériennes. Nous avons défié la mort. Nous avons joué à cache-cache avec les sanguinaires du GIA et le souvenir de Katia Bengana, une jeune lycéenne âgée de 17 ans assassinée le 28 février 1994 à la sortie de son lycée planait sur nos têtes nues. Il y a des événements fondateurs dans une vie et qui donnent une direction particulière au destin de tout un chacun. Celui-là, en est un pour moi. Depuis ce jour-là, j'ai une aversion profonde pour tout ce qui est hidjab, voile, burqa, niqab, tchador, jilbab, khimar et compagnie. Or, aujourd'hui vous êtes à la tête d'une commission parlementaire chargée de se pencher sur le port du voile intégral en France.

En mars dernier, je publiais au Québec, un livre intitulé : Ma vie à contre-Coran: une femme témoigne sur les islamistes. Dès les premières phrases, je donnais le ton de ce qu'est devenue ma vie en termes d'engagements politiques en écrivant ceci : « J'ai vécu les prémisses d'une dictature islamiste. C'était au début des années 1990. Je n'avais pas encore 18 ans. J'étais coupable d'être femme, féministe et laïque.» Je dois vous avouer que je ne suis pas féministe et laïque par vocation, je le suis par nécessité, par la force des choses, par ces souffrances qui imprègnent mon corps car je ne peux me résoudre à voir
l'islamisme politique gagner du terrain ici même et partout dans le monde. Je suis devenue féministe et laïque à force de voir autour de moi des femmes souffrir en silence derrière des portes closes pour cacher leur sexe et leur douleur, pour étouffer leurs désirs et taire leurs rêves. Il fut un temps où on s'interrogeait en France sur le port du voile islamique à l'école. Aujourd'hui, il est question de voile intégral. Au lieu d'élargir la portée de la loi de 2004 aux établissements universitaires, nous débattons sur la possibilité de laisser déambuler dans nos rues des cercueils. Est-ce normal ? Demain, peut-être c'est la polygamie qui sera à l'ordre du jour. Ne riez pas. Cela s'est produit au Canada et il a fallu que les cours (de justice) s'en mêlent. Car après tout la culture à bon dos lorsqu'il s'agit d'opprimer les femmes. Ironie du sort, j'ai constaté dans plusieurs quartiers que les jupes se rallongent et disparaissent peu à peu. La palette des couleurs se réduit. Il est devenu banal de camoufler son corps derrière un voile et porter une jupe, un acte de résistance. C'est tout de même une banlieue française qui est le théâtre du film : La Journée de la jupe. Alors que dans les rues de Téhéran et de Khartoum, les femmes se découvrent de plus en plus, au péril de leur vie, dans les territoires perdus de la République française, le voile est devenu la norme.

Que se passe-t-il ?

La France est-elle devenue malade ?

Le voile islamique est souvent présenté comme faisant partie de «l'identité collective musulmane ». Or, il n'en est rien. Il est l'emblème de l'intégrisme musulman partout dans le monde. S'il a une connotation particulière, elle est plutôt politique surtout avec l'avènement de la révolution islamique en Iran en 1979.

Que l'on ne s'y trompe pas, le voile islamique cache la peur des femmes, de leur corps, de leur liberté et de leur sexualité.

Pire encore, la perversion est poussée à son paroxysme en voilant des enfants de moins de cinq ans. Il y a quelques temps, j'essayais de me rappeler à quel moment précisément, en Algérie, j'ai vu apparaître ce voile dans les salles de classe. Pendant mon enfance et jusqu'à mon entrée au lycée, c'est-à-dire en 1987, le port du voile islamique était marginal autour de moi. À l'école primaire, personne ne portait le hidjab, ni parmi les enseignants, ni surtout parmi les élèves.

Voilà 12 ans que j'habite au Québec dont la devise inscrite sur les plaques d'immatriculation des voitures est « Je me souviens ». A propos de mémoire, de quoi la France devrait-elle se souvenir ? Quelle est porteuse des Lumières. Que des millions de femmes se nourrissent des écrits de Simone de Beauvoir dont le nom est indissociable de celui de Djamila Boupacha. C'est peu dire. Il ne fait aucun doute pour moi que la France est un grand pays et ceci vous confère des responsabilités et des devoirs envers nous tous, les petits. C'est d'ailleurs pour cela qu'aujourd'hui, tous les regards sont tournés vers votre commission et que nous attendons de vous que vous fassiez preuve de courage et de responsabilité en interdisant le port de la burqa.

Pour notre part au Québec, on se souvient qu'en 1961, pour la première fois dans l'histoire, une femme, une avocate de surcroît, est élue à l'Assemblée législative lors d'une élection partielle. Son nom est Claire Kirkland et elle deviendra ministre. En invoquant un vieux règlement parlementaire qui exigeait des femmes le port du chapeau pour se présenter à l'Assemblée législative, on la force à se couvrir la tête pendant les sessions. Elle refuse. C'est le scandale. Un journal titre : « Une femme nu-tête à l'Assemblée législative ! » Elle résiste et obtient gain de cause.

Il faut comprendre par là que nos droits sont des acquis fragiles à défendre avec acharnement et qu'ils sont le résultat de luttes collectives pour lesquelles se sont engagés des millions de femmes et d'hommes épris de liberté et de justice. J'ose espérer, monsieur Gérin, que la commission que vous présidez tiendra compte de tous ces sacrifices et de toutes ces aspirations citoyennes à travers le monde et les siècles.
  
A vous chers amis, s'il y a une chose, une seule, que je souhaiterais que vous reteniez de ces quelques mots, c'est la suivante. Entre une certaine gauche démissionnaire, le racisme de l'extrême droite et le laisser-faire et la complicité des gouvernements nous avons la possibilité de changer les choses, plus encore nous avons la responsabilité historique de faire avancer les droits des femmes. Nous sommes, en quelque sorte, responsables de notre avenir et de celui de nos enfants.

Car il prendra la direction que nous lui donnerons.

Nous, les citoyens. Nous, les peuples du monde. Par nos gestes, par nos actions et par notre mobilisation.

Toutes les énergies citoyennes sont nécessaires d'un pays à l'autre au-delà des frontières. L'avenir nous appartient. La femme est l'avenir de l'homme disait Aragon. S'agissant d'homme, je veux en saluer un présent aujourd'hui, c'est mon père à qui je dois tout.

Et je finirai par une citation de Simone de Beauvoir :
  
«On a le droit de crier mais il faut que ce cri soit écouté, il faut que cela tienne debout, il faut que cela résonne chez les autres. »

J'ose espérer que mon cri aura un écho parmi vous.
 *Djemila Benhabib*

Mesdames les sénatrices, Mesdames les présidentes, Mesdames et messieurs les dignitaires,
Chers amis,
I thank you wholeheartedly for this great honor, for being counted among you today, among the Femmes debout; thank you for this opportunity to allow my voice – the voice of a woman from a Moslem culture, a feminist and an advocate of secularism – to resonate in this prestigious institution of the French Republic.
I thank you, my friends from the Femmes solidaires and the Ligue du droit international des femmes for your relentless, endless work that is so very essential. I thank you for your work on the local scene, with women who are victims of violence and discrimination, for your work with undocumented immigrants. I thank you for your work in the political arena and with officials from the UN. It is on the local level that the work for women’s rights takes root and then resonates on an international scale. Women’s March for liberty and equality is one and indivisible. When one woman suffers somewhere on this planet, it concerns us all, men and women alike. Thank you for making us feel in a thousand ways that we are links in the same chain.
Several years ago, I would never have imagined that my life as a woman, that my life as a militant, would be so intimately connected to feminism and secularism.
I will perhaps surprise you in admitting that I did not become a feminist by turning the pages of The Second Sex, nor by plunging myself into Aragon’s magnificent book Les Cloches de Bâle, where he talks about, among other things, Clara Zetkin and Rosa Luxembourg, two hallmark figures for feminism and world peace.
I did not become a secularist by bathing myself in the light of Spinoza, of Ibn Al-Arabi, Descartes, Ibn Khaldoun or even Voltaire, my teacher. Absolutely not.
I could have averted my gaze to lose myself in the happy childhood of my generous, cultured family, so open to the world and to others, so deeply engaged in the cause of democracy and social justice.
I could have lost myself in the beauty of the seaside city of Oran, where life was so wonderful. Oran is the city that propelled the literary career of Albert Camus towards a Nobel prize in literature for his renowned novel The Plague.  I could have seen nothing, heard nothing of the anger, contempt, humiliation and violence poured out on women.
I chose to see and to hear, at first with my child’s eyes and ears. Later, I chose to voice the aspirations of all these women who marked my life forever, so that no woman in the world would be ashamed of being a woman. Quite honestly, when I was a child and especially when I was a teenager, I never dreamed of marriage, of a Prince Charming, of a long gown, a big house, children and a family. The handful of marriages I had attended, in Algeria, made me feel like women were objects more than subjects. Needless to say, my perspective was very much in the minority, because women are programmed from childhood to become wives and then mothers. I must have been around five or six, possibly seven years old at most, when I was summoned to join my grandmother in the kitchen – because my natural place was at the stove and the laundry… so that my cooking and cleaning talents could shine when the time came.
In 1984, Algeria adopted a family code inspired by the Islamic sharia (canonical law). I was 12 years old at the time.
In short, this code demands that the wife obey her husband and his parents. It allows polygamy and the repudiation of the wife, strips her of any parental authority, allows the husband to punish her. As for inheritances and giving testimony, inequality is systematically established, since it takes the voice of two women to equal the voice of one man… the same inequality applies to inheritance.
Question: Did Algeria become Moslem in 1984?
Answer: I’ll give you a response shortly, if you wish, during the upcoming debate.
As for secularism, I understood its necessity when, in the early 1990s, the FIS (Extremist Islamists) brought my country Algeria to its knees, through fire and blood, by killing thousands of Algerians. Today we must admit that things have not really changed.
Too many women in the world are humiliated, beaten, assaulted, repudiated, assassinated, burned, whipped and stoned.
In the name of what?
Of religion, of Islam to be specific, and in the name of its exploitation. For refusing an arranged marriage, refusing to wear the Islamic veil or even for asking for a divorce, wearing pants, driving a car or going out without the permission of the male, women, so many women, are subjected to the barbarity of physical cruelty. I am thinking in particular of our Iranian sisters who marched in the streets of Tehran, causing one of the world’s worst dictators – Ahmadinejad -- shudder.
I am thinking of Neda, this young Iranian assassinated when she was 26 years old. We’ve all seen the image of Neda lying on the ground, blood flowing from her mouth.
I am thinking of Nojoud Ali, this little ten year-old Yemenite girl, who was forced to marry a man three times her age. She fought to obtain the right to divorce and won.
I am thinking of Loubna Al-Hussein who shook the government of Kharoum last summer because of the way she dressed.
The worst feminine condition in the world is in Moslem countries. This is a fact that we must recognize it. That is our first responsibility towards all women who defy the worst tyrannical regimes in the world. Who would dare say otherwise? Who would dare claim the opposite to be true? Islamists and their accomplices? Assuredly. But they are not the only ones!
There is also a current of relativist thought claiming that, in the name of culture and tradition, we must accept the regression that confines the other to the perpetual role of victim. This thinking tries to make us feel guilty for our social choices in labeling us racist and Islamiphobic for defending secularism and equality between the sexes. It is this same left that opens its arms to Tarik Ramadan, for him to strut from city to city, from one television stage to another, spitting on the values of the French Republic.
Know that there is nothing in my culture that destines me to be hidden under a shroud, that ostentatious emblem of difference. Nothing destines me to have to accept the triumph of the idiot, the fool and the coward, especially when small minds, the mediocre, are set up as judges. Nothing that prepares me for having my sexual organs butchered without my indignation. Nothing predestines me to a life of physical punishment. Nothing says I must repudiate beauty and pleasure and accept a cold, harsh blade against my throat. And if that were the case, I would deny my mother’s belly, my father’s caress, and the sunshine of my childhood days, without a moment of regret or remorse.
Islamic politics is not the expression of a cultural specificity, as some people in this world claim. It is a political matter, a collective threat that attacks the very foundation of democracy in promoting a violent, sexist, misogynistic, racist and homophobic ideology.
We have seen the way that Islamic movements, with the complicity, cowardice and support of certain political sectors, guarantee the profound regression that has settled into the very heart of our cities.
And yet, in Canada, we came very close to having Islamic courts.
That is already the norm in several communities in Great Britain. From one end of the planet to another, wearing the Islamic veil is spreading and becoming commonplace, even becoming an acceptable alternative in the eyes of some, because it is at least better than the burqa!
What can be said about Occidental democracies that abdicate their responsibility to protect the primordial issues upon which community and citizenship are based: the defense of public schools, public services, the neutrality of the State, for example?
What can be said about the retreat on the accessibility to abortion, right here in France?
However, it is still possible to make societies move forward, thanks to our courage, our determination and our audacity. I am not telling you that these are easy choices. Far from it. The pathways to freedom are always steep and uphill. They are the only pathways leading to human emancipation; I know of no others.
This wonderful page of history, of OUR history, teaches us that suffering is not submitting. Because beyond the injustices and the humiliations, there is also resistance. To resist is to give oneself the right to choose one’s destiny. For me, this is what feminism is about. A destiny is not individual but collective, for the dignity of ALL women. This is how I give meaning to my life, in tying my destiny as a woman to all those who dream of equality and secularism, as the very foundation of democracy.
History is full of examples of religions that go beyond the private sphere and invade the public sphere to become law. Women are always the first to lose in this context. But not only women. Life, in its multiple dimensions, suddenly becomes sclerotic when the law of God meddles with the law of men in order to control our every move. There is no longer any room for progress in science, literature, theatre, music, dance, painting, cinema. In short, there is no room for life. What grows is regression and restriction. Moreover, this is why I have a profound aversion to all fundamentalists of any sort, because I am in love with life.
Let us remember something: when religion directs the life of a community, we are no longer in the realm of the possible, where there is room for doubt, where Reason and the rationality so dear to those of the Enlightenment guide us. Separating the public and the private by affirming the State’s neutrality seems indispensable to me, because only the secular provides for a common space – a system of reference where the notion of citizenship is central, removed from beliefs and disbeliefs, in order to take in hand the fate of the community. Before I conclude, I would like to share with you a letter addressed to one of your elected officials.
I hesitated for a long time before writing to you. Perhaps out of fear of being perceived as a woman coming from somewhere else, bursting into “French affairs.” Let propriety be damned. I wasn’t given any talent for propriety, especially when it’s in the interest of the strongest, the most powerful and the most arrogant. Moreover, if I had had to live according to what others thought, I wouldn’t have made much of my life. When it comes to women’s rights, what is suitable must give way to what is essential.
The essential being this: liberty, equality and the emancipation of women.  I still hear my French friends insisting: speak to him, tell him, write to him. Curiously, their words remind me of the title of a magnificent film by Almodovar: Talk to Her, where in the opening moments, the curtain is furtively raised for several seconds on a dance featuring the body of a woman – Pina Bausch, who so well and forthrightly expressed in her choreographies the violence trained against women.
Mr. Gérin, my remarks are addressed to you. I would like to talk to you, to tell you about the fear I felt on March 25, 1994 when I was living in Oran, in Algeria and the Islamic Army Group (GIA) ordered that the women of my country must wear the Islamic veil. That day, I and thousands of other Algerian women, marched with our bare heads, to challenge death. We played hide-and-seek with the bloodthirsty GIA. The memory of Katia Bengana, a young 17 year-old high school girl who was killed as she was leaving school on February 28, 1994 was hovering over our bare heads. There are founding events in a life, that give a particular direction to the path of every one of us. That was one for me. Ever since that day, I have a deep aversion for everything having to do with the hidjab, veil, burqa, niqab, tchador, jilbab, khimar, in all their forms. Today you head a parliamentary commission charged with studying the wearing of the full veil in France.
Last March in Quebec, I published a book titled Ma vie à contre-Coran : une femme témoigne sur les islamistes (My Life Against the Coran : One Woman Testifies about the Islamists). From the very first sentences, I used the tone of what has become my life, in terms of political engagement, by writing this: “I have lived the premise of an Islamist dictatorship, in the early 1990s. I wasn’t even 18 years old. I was guilty of being a woman, a feminist and secularist.” I must tell you that I am not feminist and secular by vocation but by necessity, by the strength of things, the suffering that impregnates my body because I cannot abide seeing political Islam gain ground here and everywhere else in the world. I became feminist and secular through seeing around me women suffering in silence behind closed doors, to hide their gender and their pain, to suffocate their desires and silence their dreams. There was a time when France considered the question of the Islamic veil being worn in its schools. Today it is a question of the full veil. Instead of  expanding the 2004 law to university establishments, we are debating about the possibility of allowing caskets to walk around in our streets. Is this normal? Perhaps tomorrow polygamy will be the order of the day. Don’t laugh. That’s what happened in Canada; the courts had to intervene. Because after all, it’s easy to blame culture when it comes to oppressing women. By a strange irony of fate, I noticed in several neighborhoods that skirts are getting longer and are disappearing little by little. The array of colors is getting smaller. It has become commonplace to camouflage one’s body behind a veil; wearing a skirt has become an act of resistance. Just the same, the film “The Day of the Skirt” takes place in a French suburb. While in the streets of Tehran and Khartoum women are uncovering themselves more and more, risking their lives, here in outlying areas of the French Republic, the veil has become the norm.
What is going on?
Has France been taken ill?
The Islamic veil is often presented as part of a “collective Moslem identity.” It is nothing of the sort. It is the emblem of the fundamentalist Moslem everywhere in the world. If it has a particular connotation, it is political, especially since the advent of the Islam revolution in Iran in 1979.
Let us not be mistaken about this: the Islamic veil hides women’s fear, their bodies, their freedom and their sexuality.
Worse yet, the perversion is pushed to paroxysm in veiling girls less than five years old. Some time ago, I tried to remember at which moment precisely in Algeria I saw this veil appear in the classroom. During my childhood and up until the moment I started high school, in 1987, wearing the Islamic veil was only marginal around me. In grade school, no one wore the hidjab, not the teachers and especially not the students.
I have been living in Quebec for 12 years. Its motto, written on car license plates, is Je me souviens, “I remember.” Speaking of memory, what should France remember? That it is the messenger of the Enlightenment, that millions of women are nourished by the writings of Simone de Beauvoir, whose name is inseparable from that of Djamila Boupacha. That’s an understatement. I have no doubt that France is a great country; this confers on you responsibilities and duties towards all of us, the smaller countries. Moreover this is why today our eyes are on your commission and why we are expecting you to be courageous and responsible, by forbidding the burqa.
As for us in Quebec, we remember that in 1961, for the first time in history, a woman, and moreover an attorney, was elected to the Legislative Assembly in a bye-election. Her name is Claire Kirkland; she goes on to become minister. An old parliamentary rule mandating that women wear hats to appear in the Legislative Assembly was invoked; she was told to cover her head during sessions. She refused. A scandal. One newspaper headline read: “A woman with uncovered head in the Legislative Assembly!” She fights and wins.
What we must understand from this is that the rights we have gained are fragile and must be fiercely, relentlessly defended. We must understand that they are the result of collective battles fought by millions of women and men committed to liberty and justice. I dare to hope, Mr. Gérin, that the commission over which you are presiding will take into account all these sacrifices and all these socially aware aspirations around the world, over the course of centuries. 
To you, dear friends, if there is one thing, only one, that I would like you to retain from these words, it is this: despite a certain resigned left, the racism of the extreme right and the laisser-faire and complicity of governments, we have the possibility of changing things. More, we have the historic responsibility of advancing the rights of women. In a way, we are responsible for our future and our children’s future.
Because it will take the direction we give it.
We the citizens. We the people of the world. By our gestures, our actions and our mobilization.
All socially aware energy is necessary, from one country to another, beyond borders. The future belongs to us. The woman is the future of the man, Aragon used to say. And as to men, I want to salute one present here today: my father, to whom I owe everything.
I conclude by quoting Simone de Beauvoir: “We have the right to shout but our cry must be heard, it must hold up, it must resonate in others.”
I dare hope that my cry will echo among you.
*Djemila Benhabib*